L’imaginaire chimérique de la céramiste Nathalie Charrié est sans limite. Son bestiaire de créatures à la fois étrange et familier véhicule des messages poétiques sur le monde naturel et la place de l’humain.
EMMANUELLE GUY
Nathalie Charrié. Photo © Alyssa Colmant & Océane Robert.
Oiseaux-végétaux, insectes soldats, organismes extrémophiles et autres animaux entrelacés... Dans son atelier installé au fond de son jardin, sous l’œil complice de son chat Michka, Nathalie Charrié sculpte des créatures hybrides, mi-animaux, mi-végétaux, nées de croisements hypothétiques de la nature avec nos comportements humains. « Je crée des sortes de compositions oniriques et poétiques. La poésie de l’absurde constituant le fil fragile que j’essaie de tirer. » Ainsi, le travail de la céramiste doit beaucoup à la contemplation du monde animal et végétal. Le vivant, de manière générale, est une source d’inspiration inépuisable pour cette artiste autodidacte que rien ne prédestinait à la sculpture.
Supernova. Grès patiné, verre soufflé. 45x40x40cm.
Après des études secondaires scientifiques dans l’ingénierie, c’est finalement à l’Institut supérieur des arts et du design de Toulouse que la jeune étudiante décide de poursuivre son parcours en communication visuelle. À sa sortie des Beaux-Arts, elle débute une carrière de graphiste indépendante. Mais très vite, sa fibre artistique et sa créativité vont s’exprimer dans le travail de la matière. « Au début, la céramique a été un loisir. J’ai été initiée par Dominique Noguès. Dans son atelier, j’ai appris les techniques de base et découvert le modelage et le rapport à la matière. » En 2019, quand l’apprentie céramiste participe au Salon des arts et du feu de Martres-Tolosane, elle ne s’attendait pas à recevoir le prix Jeune créateur d’Occitanie. Un tournant décisif pour Nathalie Charrié qui crée la même année son propre atelier.
Tentative d’allègement N°1. Grès émaillé, verre filé au chalumeau, socle métal. 2025.
Depuis, l’artiste céramiste fait de l’expérimentation le moteur de sa création. « J’ai toujours cultivé une soif d’expérimenter de nouvelles techniques. J’en emploie différentes, mais je privilégie l’utilisation du grès pour sa résistance. Je réalise également des pièces en porcelaine pour la qualité de sa blancheur et sa translucidité. Mes céramiques, que je commence toujours par dessiner, associent souvent d’autres matériaux tels que le verre filé ou le verre soufflé que je travaille avec Thibaut Nussbaumer, de l’atelier Tipii à Toulouse. Mais aussi des matériaux organiques comme le bois, les coquilles d’escargots, les insectes... Ce que j’aime, c’est modeler. Enlever la matière, en rajouter. Peu importe le matériau tant qu’il poursuit le travail de mes doigts. »
Sirène inversée. Porcelaine, verre.
Des pièces uniques, demandant parfois plusieurs semaines de travail, et un art figuratif singulier que la céramiste présente régulièrement au public en participant à des salons ou des expositions en France, mais aussi en Belgique ou en Suisse. Depuis début mars, sa première œuvre pérenne – une commande publique – trône aux Archives départementales des Hautes-Pyrénées, à Tarbes. Une installation monumentale de 65 oiseaux traversant des bulles de verre et 100 feuilles de céramique sur lesquelles sont gravées les cotes de documents conservées aux archives. Cette envolée suspendue traverse le hall d’entrée pour se poursuivre dans le patio jusqu’à atteindre la verrière située à 16 mètres de hauteur.
Œuvre installée dans le nouveau bâtiment des Archives départementales des Hautes-Pyrénées à Tarbes. 65 oiseaux, 46 bulles de verre et 100 feuilles en grès blanc émaillé sont suspendus dans le hall et le patio du bâtiment.