Dans la campagne tarnaise, au sud d’Albi, maîtres d’ouvrage, architecte et artisans ont remis en cause le tout béton et les matériaux industriels pour un projet bénéfique à l’économie locale et circulaire, à la santé de tous, à l’environnement et à la qualité de vie.
LA RÉDACTION - PHOTOGRAPHIES VINCENT BOUTIN

Couverture du hangar en bac acier. Idem pour celle du logement avec en plus une isolation de 40 cm de laine de fibre de coton recyclé, issue des vêtements que l’on jette. Bardage en douglas de la montagne Noire.
Au sud d’Albi, dans le hameau de Poulan-Pouzols, Geneviève et Julien possèdent un hangar agricole d’environ 300 m² à proximité de leur maison. Le couple souhaite le transformer en habitat partagé pour séniors et personnes à mobilité réduite. Le couple s’inscrivant dans une démarche environnementale il s’en remet à l’architecte Paul-Étienne Guillermin du cabinet AAG architectures réputé pour bien connaître les techniques de constructions rurales économes en ressources. Installé à Albi depuis 2006, le spécialiste apprécie la mise en valeur des matériaux locaux et du savoir-faire des artisans plutôt que de recourir systématiquement à des solutions industrielles limitant le rôle de l’ouvrier à celui de poseur.

Pour le chauffage, des radiateurs de récupération en fonte ont été installés après sablage et mise en peinture. Ils sont connectés via un réseau de chauffage central à eau chaude à la chaudière à pellets de la maison des propriétaires à proximité. L’eau chaude sanitaire est assurée par des panneaux solaires thermiques. L’eau de pluie est récupérée pour les chasses d’eau et l’arrosage.

Le bâtiment a peu d’atouts à offrir : toiture amiantée, murs en briques creuses grossièrement bâties, dallage trop mince et fissuré... Il a cependant le mérite d’exister dans un paysage préservé et inconstructible et par chance le PLU intercommunal autorise sa réhabilitation si toutefois on ne crée pas d’extension... Le projet se précise. Il consiste en un logement de 140 m² avec trois chambres disposant chacune d’une salle d’eau, d’un séjour couplé à un salon et d’une vaste cuisine permettant à une petite communauté de prendre les repas ensemble. Les matériaux locaux bio ou géo-sourcés ou issus du réemploi sont privilégiés autant que possible, la construction génère le moins d’impact carbone possible.

Dans la pièce commune, meubles chinés et achetés sur internet. Côté confort, la forte inertie thermique offerte par les matériaux mis en œuvre associée à une forte isolation dispense de climatisation. Le brasseur d’air ne fait pas baisser la température mais crée en tournant une légère brise très agréable. D’autres brasseurs d’air ont été installés dans les chambres. Au sol, terres cuites de Raujolles au sol (Millau) posées sur une chape de chaux.


Les cloisons en terre crue favorisent l’isolation phonique et apportent de la masse dans le bâtiment ainsi que de la fraîcheur en été. Les menuiseries en bois tout comme la porte d’entrée sont équipées de moustiquaires pour pouvoir ventiler sans laisser entrer faune et insectes.
Tout va commencer par la démolition début 2024. La toiture amiantée est retirée par une entreprise spécialisée. Le sol en béton part en gravats. « Nous avons conservé les murs et la charpente métallique que nous avons dû renforcer », explique l’architecte. Une fois le bâtiment déshabillé, place au projet. Isolés par l’extérieur en laine de bois et en panneaux de liège en partie basse, le liège étant le seul matériau biosourcé insensible à l’eau, ensuite les murs extérieurs sont bardés de douglas de la montagne Noire.

L’épaisseur de 20 cm des cloisons en terre crue a obligé le maçon à réaliser des encadrements de portes en acier brut revêtu d’une simple couche de Rustol pour la protection et l’esthétique. Porte vitrée en bois massif.

Côté accessibilité, la cuisine IKEA a été adaptée notamment pour que l’évier sur vérin puisse basculer pour être utilisable par une personne en fauteuil roulant.
Face intérieure, un enduit chaux-chanvre est projeté sur 6 cm d’épaisseur. Les cloisons quant à elles sont bâties avec des briques de terre crue fabriquées à Graulhet La bâtisse dispose ainsi d’un très bon confort hygrométrique. « On ne sent pas l’humidité. » Le projet se passe de climatisation. En revanche, il est équipé d’une VMC et de brasseurs d’air dans le salon et les chambres qui permettent de créer une légère brise bienvenue l’été. Au sol, les artisans ont d’abord réalisé une dalle en béton de chaux. Son bilan carbone est bien meilleur que le béton. Puis des terres cuites de Raujolles (Millau) ont été posées sur une chape de chaux. L’ensemble confère beaucoup de masse au niveau du sol. Dans les chambres, un parquet en pin des Landes a été préféré. Ce chantier exemplaire a pris fin en octobre 2024. Les neuf mois qu’il a duré s’expliquent par les temps de séchage des différents matériaux mis en œuvre. « Toutes les entreprises se sont régalées. Ce genre de projet change du quotidien. Les ouvriers, les apprentis étaient fiers de composer avec des matériaux naturels. Ce sont des métiers difficiles auxquels de tels projets apportent beaucoup de satisfaction. ».

On dort bien ici. Et pour cause ! Au sol parquet en pin des Landes, isolé par une couche de liège en vrac entre lambourdes. Cloison en terre crue fabriquée à Graulhet. L’hygrométrie est régulée par les matériaux perspirant, ainsi pas de sensation d’inconfort.

La face intérieure des murs extérieurs est revêtue d’un enduit chaux-chanvre projeté de 6 cm d’épaisseur.