Pour régler des problématiques de vis-à-vis tout en inscrivant la construction dans le paysage traditionnel toulousain, l’architecte Anaïs Magnabal a conçu une maison unique, inspirée du travail du plasticien Athos Bulcão.
LA RÉDACTION - PHOTOS ALEXANDRE LE GRATIET
Le projet comptait la rénovation d’une toulousaine et la construction d’une maison neuve de 100 m². Pour la maison neuve, la structure du rez-de-chaussée est en béton et en ossature bois à l’étage. Isolation en fibres de bois et ouate de cellulose pour la toiture. Un soin particulier est apporté à la cinquième façade par un alignement des ouvertures de toit : Velux® et verrière Technal. L’architecte a conçu des modules de 30x30cm en béton teinté pour préserver l’étage du vis-à-vis. L’ensemble forme un moucharabieh, inspiré de l’architecture brésilienne et toulousaine. Entre le moucharabieh et le rez-de-chaussée, profil de métal fabriqué par Metalbi 81 (Albi). Photo ©Anaïs Magnabal.
396 modules fabriqués à la main ornent a façade.
À Toulouse, au cœur du quartier Guilheméry, un projet d’envergure est confié à l’architecte Anaïs Magnabal. Les nouveaux propriétaires d’un terrain composé d’une construction principale et de son annexe, souhaitent y réaliser deux bâtis dont leur résidence principale. Anaïs Magnabal, architecte indépendante, ancienne cheffe de projet en agence et enseignante à l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse souhaite relever le défi. « La toulousaine a fait l’objet d’une réhabilitation et d’une surélévation, précise la Tarnaise d’origine. Pour l’annexe destinée à la location, le bâti existant était laissé à l’abandon et la végétation avait pris le dessus. Nous avons décidé de la démolir pour repartir de zéro. »
Dans la maison neuve, des jeux de niveaux s’opèrent dans le séjour, permettant de fluidifier les circulations et de donner du volume à la pièce. La forme de la niche peinte en vert sauge fait écho à celle des modules du moucharabieh. La partie pleine dissimule l’escalier menant à l’étage. Tablette en bois réalisée sur mesure en sapin à partir d’un arbre présent sur le terrain d’origine. Suspensions Zara Home. Stores californiens à lames orientables de chez Saint Maclou (Labège). Au sol, béton ciré couleur Helsinki de chez La Maison Éco Naturelle (Albi).
Pas de syndrome de la page blanche pour la professionnelle qui se saisit des contraintes pour établir les nouveaux plans. La parcelle impose une implantation de la maison en construction neuve le long de la voie passante avec des ouvertures positionnées côté rue, exposées sud-est et face à un immeuble. Afin de préserver le rez-de-chaussée du vis-à-vis, l’architecte décide d’enterrer la maison d’un mètre. Une baie à galandage de près de 5 mètres est créée dans le séjour s’ouvrant sur une terrasse. Les locataires pourront profiter du jardin en toute intimité, derrière une haie de bambous en surplomb.
À droite, la maison neuve, en arrière plan la toulousaine rénovée. La baie à galandage K-Line en aluminium noir sablé s’ouvre sur la terrasse semi-enterrée. Sous les dalles (chez Bati Discount Carrelage, Carmaux), dont la teinte est proche de celle du béton ciré du séjour, une réserve d’environ 15 cm et une pompe de relevage pour rejeter l’eau sur la rue ont été installées afin d’éviter les inondations.
Pour l’étage, conçu en ossature bois, Anaïs Magnabal s’inspire du moucharabieh. Ces cloisons ajourées ornées de motifs permettent de gérer le flux de lumière dans l’architecture traditionnelle arabe, mais aussi en Amérique du Sud. Inspirée par un voyage au Brésil, l’architecte imagine des modules en 30x30cm, faits de pleins et de vides, pour dissimuler l’étage du vis-à-vis tout en laissant passer la lumière. Ancrée dans une démarche profondément artisanale, Anaïs Magnabal ne craint pas de mettre la main à la pâte pour la réalisation ! « J’ai fait importer un moule du Brésil, indique-t-elle, puis nous avons effectué plusieurs tests de solidité avec le maçon. Le béton nous offrait un démoulage facile et un rendu résistant. Pour la couleur, je souhaitais rester dans les teintes chaudes de la terre cuite de la région. Le pigment ocre rouge est teinté directement dans la masse du module. Il nous aura fallu deux années de conception pour obtenir un résultat satisfaisant. »
Sur mesure. À l’étage de la maison neuve, le comptoir de la salle d’eau a été réalisé sur mesure à partir d’un bois de chêne récupéré. Idem pour l’applique conçue par l’architecte. Au sol et aux murs, béton ciré couleur Paris (chez La Maison Éco Naturelle, Albi).
Double orientation. Dans le séjour, la lumière entre par la baie à galandage, mais aussi par la verrière de toit du fabricant toulousain Technal.
Dix mois plus tard, les 396 modules, fabriqués un à un à la main, sont finalisés. Anaïs Magnabal et le maçon passent une semaine à monter les onze lignes qui constituent le moucharabieh. L’architecte s’exclame : « Je souhaitais créer une vibration, quelque chose d’unique dans la rue qui s’inscrit dans la longueur de la façade (12 mètres). Le moucharabieh rempli bien ce rôle grâce à son volume et au jeu d’ombre et de lumière qu’il propose tout au long de la journée. De plus, il est un réel élément de confort pour les occupants, par l’occultation du vis-à-vis mais aussi par la gestion de la chaleur. »
Au final, le chantier réalisé en auto-construction aura duré quatre ans, six ans en comptant la toulousaine rénovée et surélevée. Aujourd’hui, les habitants se réjouissent de ce lieu de vie hybride, entre architecture reposante et vie urbaine.
Dans la chambre, la lumière filtrée et teintée par le moucharabieh offre une atmosphère apaisante. La fenêtre toute hauteur permet de profiter pleinement de l’immersion dans le feuillage des arbres. Porte plaqué chêne Noé de Leroy Merlin.
Le motif du moucharabieh crée des dessins de lumière, fluctuant tout au long de la journée.
L'ARCHITECTE D'INTÉRIEUR
ANAÏS MAGNABAL
Albigeoise de naissance formée à l’École nationale supérieur d’architecture de Toulouse, Anaïs Magnabal tire en partie ses inspirations d’un voyage d’un an effectué en Amérique du Sud pendant ses études. De retour dans la Ville rose, l’architecte entre en agence et œuvre sur des projets d’envergure tels que l’extension de l’aéroport de Toulouse-Blagnac. Après cinq années d’expérience en tant que cheffe de projet, Anaïs Magnabal crée sa propre agence en 2019. Jeune femme architecte de terrain, elle allie son savoir-faire en matière d’architecture à sa passion pour le chantier afin de matérialiser des projets singuliers. Conception et fabrication sont souvent des notions indissociables dans son travail. Avec une connaissance pointue du bâti ancien de la région, la professionnelle met son talent au profit des particuliers comme des professionnels d’Occitanie. En parallèle de son activité, Anaïs Magnabal enseigne la conception de projets architecturaux à l’école où elle a été formée. Elle y développe aussi une thèse autour du moucharabieh, reliant écologie, climat, ingénierie et architecture.
Menuiseries Tekno-B (Castelmaurou). Profil de métal Metalbi 81 (Albi). Maçonnerie, plâtrerie, isolation Magnabal Patrick (Carmaux).