L’architecte toulousaine Laetitia Guerry a transformé un entrepôt du quartier des Minimes en loft industriel où le jeu de boîtes mêlé aux séquences narratives crée une expérience architecturale unique.
Avant les travaux. Un entrepôt de 200 m², avec des traces de pollution aux hydrocarbures et un différentiel de niveau de la dalle de 15 cm sur les 25 m de longueur du bâtiment. Le local occupe l’intégralité de la parcelle. La seule ouverture est au nord, côté rue. La charpente ne peut pas supporter un complexe isolant, il faudra la remplacer.
La qualité d’un projet en dit souvent long sur la relation entre le client et son architecte. Ici, la réussite est totale. Le lieu, atypique. Les espaces, autonomes. Les circulations, construites pour dilater l’espace. Il n’est de plus pas toujours simple de partir d’une coquille vide, tel cet entrepôt immense et pollué.
Monsieur B. cherchait un tel lieu depuis des années. L’architecte Laetitia Guerry l’avait accompagné dans sa recherche et visité avec lui maints locaux et maisons anciennes avant qu’il ne tombe au printemps 2019 sur cet entrepôt du quartier des Minimes. Ce bâtiment au fort potentiel, permettant d’intervenir à l’intérieur librement, occupe l’entièreté de sa parcelle : 200 m². 25 m de long par 8 m de large de plain-pied. La seule ouverture donne sur la rue, au nord. Une structure en poteaux maçonnés et remplissage entre poteaux soutient la charpente bois traditionnelle d’une couverture non isolée. Les fermes découpent le bâtiment en travées. Avec une hauteur de 6 m sous faitière, 3,80 m en bas de pente, le volume est impressionnant. Seul un petit local accueille un bureau et un WC. La dalle brute accuse une différence de niveau de 15 cm sur les 25 m de long. L’étude de pollution des sols révèle des traces d’hydrocarbures. Ainsi, au préalable, une nouvelle dalle sera donc mise en œuvre pour retrouver un sol plan et sain. La bonne nouvelle de l’état des lieux : le bâtiment est déjà raccordé aux réseaux publics (pluvial, eaux usées, électricité, eau…).
C’est souvent lors de la première visite qu’émerge un ressenti dont se détachera une solution. L’architecte conçoit une première esquisse, base de la discussion avec le client pour construire le projet.
Laetitia Guerry s’attache d’abord à structurer les espaces puis à créer des séquences. Sur un axe longitudinal, nord/sud, elle fait se succéder l’entrée, les pièces techniques, les blocs chambres et enfin la pièce à vivre de 50 m². La création d’un espace extérieur, de 50 m² également, permet, outre d’y installer une piscine et une terrasse bois, de réduire la profondeur du bâtiment et de faire entrer la lumière naturelle à l’intérieur. L’architecte dessine ainsi une nouvelle façade, orientée plein sud. Ce grand portique béton, telle une arche auto-stable, est intégralement vitré (menuiseries en aluminium Technal). En miroir, des menuiseries trapézoïdales se retrouvent de part et d’autre du volume de l’étage : au-dessus de la pièce à vivre mais aussi sur la façade sur rue. Si bien que la nuit, le jeu de reflets créé, où toutes les lueurs se croisent, conduit à une douce perte d’orientation.
Sur un axe traversant, libre de toute occupation, offrant une perspective depuis l’entrée jusqu’au patio, l’architecte joue des séquences. L’entrée vestibule aux dimensions spectaculaires donne sur un couloir noir serré entre les boîtes noires qui accueillent les chambres, avant d’ouvrir sur la pièce à vivre démesurée et baignée de lumière par le grand portique vitré. C’est un jeu de dilatation d’espaces auquel s’est amusée Laetitia Guerry.
La toiture étant sous-dimensionnée pour accueillir un complexe isolant intérieur, il a fallu la remplacer. Les tuiles marseillaises laissent place à un bac acier avec isolation phonique et thermique. Des 5 fermes existantes, on passe à 4. La création d’un étage, à structure poteaux métalliques et plancher bois, reposant sur de nouvelles fondations ancrées dans le sol, permet également de supporter une partie de la nouvelle charpente et ainsi de soulager la structure existante.
Côté matériaux, Laetitia Guerry aime anoblir les matériaux bruts. L’OSB par exemple recouvre le sol de l’étage, après ponçage et triple vernis. Il pare également les boîtes chambres du rez-de-chaussée, teinté en noir.
Dans cette ambiance noir et blanc, c’est la décoration et les meubles qui apportent la couleur.
Les études ont pris une année : étude de pollution, de sol, de structure béton, de structure charpente. Le chantier aussi. Il s’est achevé en mars 2021. Projet collaboratif, l’architecte rappelle l’importance du travail d’équipe : client, bureaux d’études, artisans, architecte. « C’est très important d’avoir un réseau d’artisans adapté aux projets qu’on nous confie », explique Laetitia Guerry. « La rencontre avec mon client a été décisive. Je n’aurais jamais conçu un tel projet sans avoir affaire à un tel maître d’ouvrage : sensible à l’architecture et au design, créatif, ouvert d’esprit... Il a toujours été force de propositions et réellement impliqué dans son projet. C’était une merveilleuse aventure que de travailler pour et avec lui. »
Le vestibule spectaculaire. Le portail en aluminium avec vitrage securit en verre dépoli est coulissant et à galandage. Il donne sur un vestibule aux dimensions spectaculaires. Au-dessus une trémie dans le plancher de l’étage a permis l’installation d’un filet d’habitation par lequel passe la lumière naturelle de l’ouverture trapézoïdale créée dans la façade d’origine.
Le couloir resserre l’espace. Au fond, le vestibule, puis l’accès à l’étage par l’escalier, avant d’atteindre le couloir tout de noir paré. De part et d’autre les chambres du rez-de-chaussée. Cloisons en OSB teinté en noir. Sol en résine.
Pièce à vivre cathédrale. Passé le couloir entre les deux boîtes noires qui accueillent les chambres, on atteint la pièce à vivre aux dimensions très généreuses. Elle est structurée autour d’un axe libre et traversant. L’espace cuisine repas d’un côté, l’espace salon de l’autre. Toutes les chambres s’ouvrent en second jour sur la pièce à vivre. Canapé Prado de chez Cinna (Cerezo, Portet-sur-Garonne). Fauteuil Wassily de Marcel Breuer.
Chambre de l’étage. De part et d’autre de l’étage, menuiseries trapézoïdales en miroir. L’une ouvre sur la rue, l’autre sur la pièce à vivre.
Entre l’entrée et l’étage, le filet d’habitation apporte de la lumière naturelle dans le vestibule.
Charpente. Si la plupart des fermes installées lors de la réfection de la charpente étaient traditionnelles, les fermes à entraits retroussés segmentant l’étage facilitent le passage et l’occupation.
Entre le vestibule et le couloir noir, l’escalier en tôle pliée thermolaquée jaune mène à l’étage.
Bain de lumière. Entièrement vitré, le portique béton, à 6 m sous faitière, orienté au sud, ouvre sur le patio. Un chauffage au sol a été mis en œuvre au-dessus d’une couche isolante puis recouvert d’une chape d’enrobage et d’une résine. Un poêle à bois sert de chauffage d’appoint.
Havre de paix aux Minimes. Dans le patio, un olivier, pièce végétale principale, dialogue avec le bassin en bois hors-sol de 2x3m, haut de 1,40 m. Le tour de la piscine en mélèze est travaillé en jardinières plantées de plantes grasses. Enfin, du lierre habille les murs.
En toute simplicité. Au-dessus du comptoir, suspension en bois et béton moulé Tarega. Cuisine Ikea. Zelliges vert émeraude des Ateliers Zelij (Toulouse).
Vue de la terrasse.
Toujours dans les tons noir et blanc, de la faïence à la robinetterie, la salle de bains se distingue par l’usage du bois et du laiton, matériaux qui confèrent une élégance immédiate.
L’architecte projet : Laetitia Guerry, architecte HMONP (anciennement DPLG),
Laetitia Guerry est à son compte depuis 4 ans, après avoir exercé pendant une dizaine d’années en agences d’architecture. Spécialisée dans la rénovation de l’habitat (maison, appartement, extension, surélévation…) et l’architecture d’intérieur, elle apprécie cette échelle de travail. « Il s’agit d’apporter à chaque fois une réponse adaptée au projet, au budget, à la vie des clients, à l’existant, au contexte urbain et à l’environnement. » Installée faubourg Bonnefoy, Laetitia Guerry travaille principalement sur Toulouse et sa proche couronne.
Démolitions, gros œuvre Vilar Construction (Blagnac). Charpente, couverture, zinguerie, isolation en toiture, plancher bois Tegula Charpente (Poucharramet). Escalier Sublimétal (Castanet-Tolosan). Aménagements extérieurs et comptoir cuisine Romain Epiphani (Toulouse). Bassin Eau Claire (Escalquens). Menuiseries intérieures et extérieures Tekno-B (Castelmaurou). Cloisons, plafonds, isolation, portes intérieures, peintures Intérieur Toulousain Rénovation (Toulouse). Électricité, chauffage Simelec (Montrabé). Plomberie, sanitaires, VMC, plancher chauffant, carrelage, faïences Aqua Énergie Concept (Garidech). Chape ciment et résine Techfloorrenov (Bérat).