À travers des œuvres envoûtantes, Sarah Hô se dévoile davantage à chaque fil. Entre gravure et tapisserie, l’artiste injecte son vécu dans son art avec une spontanéité aussi mystérieuse, qu’apaisante.
ARTHUR DIAS - PHOTOS IMANE IBARHIM-RACHIDI ET ANNE GIRARD
Sarah Hô.
« Sous les toits, le regard fixé sur les nuages, entouré de carnets de dessin, de babioles et d’anciennes pièces... C’est dans cet environnement que j’apprécie effectuer mes œuvres. » Haut perché dans son atelier toulousain, dans un calme profond, Sarah Hô s’exprime à travers un art peu commun. Sa spécialité réside dans le tissage de multiples matériaux, pour donner naissance à des tapisseries unique. « Je suis capable de réaliser des œuvres avec toutes les matières : soie, laine, cuivre, plastique ou même du papier, ils ont croisé ma route durant mon périple et font désormais partie de mes tissages. Autant pour une notion écologique qu’économique, il est primordial dans mon processus créatif de privilégier la récupération plutôt que l’achat. »
« Pied rose » tapisserie en laine, lin, coton et cuivre, tissée sur métier à bras. L.70xH.90cm.
« L’Escalier » tapisserie en laine, coton, cuivre et soie tissée sur métier haute lisse. L.90xH.120cm.
Née à Paris, la tisserande a commencé son aventure dans la capitale, à l’École supérieure des arts appliqués Duperré. Un entourage de créateurs et la découverte des métiers d’arts sonnent comme une révélation dans l’esprit de la jeune franco-vietnamienne, qui retourne à ses racines pour s’exercer. « J’ai passé quatre mois au Vietnam où j’ai appris la broderie au fil de soie. J’ai ensuite pris la responsabilité de la collection textile de la marque Jim Thompson, à Bangkok en Thaïlande. »
De retour dans l’hexagone, Sarah Hô poursuit un master en design dans la Ville rose, avant de rejoindre les rangs de la marque ariégeoise Laines Paysannes. Une expérience riche qui lui donnera la force de devenir une artiste indépendante. « À partir de 2018, j’ai jonglé entre créations et expositions, dont le salon Révélation à Paris. J’ai réalisé une quarantaine de tapisseries et une soixantaine de tapis. » Un processus extrêmement long que la tisserande détaille : « Je commence par un croquis, parfois à échelle un, qui me mène ensuite au tissage. Je choisis les matières et je tisse pendant une très longue période puisque mes œuvres sont relativement imposantes. Une fois l’étape principale finie, je coupe les fils et m’occupe des finitions pour rendre la pièce propre. Une fois tombée du métier à tisser, je la considère définitivement terminée. L’enthousiasme du début de l’œuvre laisse place avec le temps à la fatigue voire la douleur, pour finalement pouvoir exulter à la fin. »
Les carnets de croquis permettent d’ancrer les idées sur le papier avant qu’elles ne prennent vie.
Préparation des fils de chaines sur le métier à tisser dans l’atelier à Toulouse.
Inspirée par les formes présentes dans le ciel, les éléments centraux d’un foyer, et plus généralement la nature, l’artiste explique trouver refuge dans son art. « Je suis tellement obsédée par mes pièces, que je me coupe du monde quand je crée. C’est un état proche de la méditation. Je suis sensible au rythme soutenu de nos vies, donc il est vital de m’insérer dans cette bulle. » Une zénitude contagieuse d’après son public : « On me dit régulièrement que mes œuvres apaisent. Un client m’avait expliqué se sentir mieux depuis qu’il avait accroché ma tapisserie dans sa maison. »
Pour le futur, la néo-toulousaine souhaite réaliser un livre en collaboration avec la graphiste, Noémie Santos. Un projet réunissant écrits sur la pratique, échantillons et essais de tissages inaboutis. L’artiste promet également des pièces davantage colorées et se prépare à exposer dans divers salons ses gravures, tapis et tapisseries.
Tissage d’une tapisserie sur un métier haute lisse.